Les conséquences d’un logement énergivore sur les locations saisonnières / meublés de tourisme

Max Eraerts

Max Eraerts

Avocat associé

L’urgence climatique est au cœur des enjeux sociétaux et politiques.

 

À cet égard, la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixait les modalités pour atteindre une réduction des émissions de la France de 40% en 2030 par rapport à 1990. En 2019, la loi n°2019-1147 relative à l’énergie et au climat a défini des conditions et modalités pour que la France puisse atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

 

En 2021, une nouvelle loi a été adoptée par les parlementaires dans cette matière : la loi n°2021-1104 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

 

L’inflation législative est telle que la réponse juridique aux conséquences actuelles ou prévisibles d’un logement énergivore sur les locations saisonnières doit être regardée avec beaucoup de prudence tant son analyse est précaire et soumise à l’aléa des changements de politiques publiques.

 

À ce jour, plusieurs conséquences d’un logement énergivore sur les locations sont prévisibles :

  • la création de la notion de logement « énergétiquement décent »
  • le blocage / encadrement des loyers des logements classés F et G
  • l’interdiction de mettre en location un logement « énergétiquement décent »

La création de la notion de logement "énergétiquement décent"

L’article 1er du décret n°2021-19 du 11 janvier 2021 et l’article 8 du décret n°2021-872 du 30 juin 2021 ont créé, puis modifié, un article 3bis au décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent qui entrera en vigueur le 1er janvier 2023 et s’appliquera uniquement aux nouveaux contrats de location conclus à compter de cette date.

 

La rédaction de cet article sera la suivante : « En France métropolitaine, le logement a une consommation d’énergie, estimée par le diagnostic de performance énergétique (DPE) défini à l’article L.126-26 du Code de la construction et de l’habitation, inférieure à 450 kilowattheures d’énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an. […] »

 

En conséquence, un logement ne sera pas décent à partir du 1er janvier 2023 si le DPE estime une consommation d’énergie supérieure à 450 kilowattheures d’énergie finale par mètre carré.

 

Il ne faut donc pas confondre ce seuil exprimé en « énergie finale » avec le diagnostic de performance énergétique qui, au sens de l’article L.173-1-1 du Code de la construction et de l’habitation, exprime un niveau de performance en « kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an ».

 

S’agissant de son application aux meublés de tourisme, le Portail de la Direction Générale des Entreprises indique que « le logement doit respecter les normes minimales fixées par le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent » (https://www.entreprises.gouv.fr/fr/tourisme/conseils-strategie/meubles-de-tourisme).

 

Pour autant, les articles L.324-1 à L.324-2-1 et les articles D.324-1 à R.324-8 du Code de tourisme relatifs aux meublés de tourisme n’opèrent aucun renvoi direct au décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 sur les caractéristiques du logement décent. Du reste, la décence ne serait pas un critère.

 

En revanche, les communes ont toute faculté de réglementer les locations touristiques de courtes durées (meublés de tourisme) puisque l’article « toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent Code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du Maire de la commune où est situé le meublé ».

 

Ainsi, la Commune de MARSEILLE impose au propriétaire qu’il atteste de façon manuscrite que « le logement mis à la location respecte les normes de décence prévues par le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 ». La pratique marseillaise n’est certainement pas isolée.

 

Bien que, par principe, le caractère décent d’un logement soit imposé en présence d’une résidence principale, louée vide ou meublée (Titre I et Titre Ier de la loi du 06 juillet 1989) et que les articles du Code de tourisme portant sur les meublés de tourisme ne renvoient pas d’office au caractère décent du logement, la pratique des communes qui imposent ce critère supplémentaire créé une insécurité juridique quant aux futures locations de courtes durées à compter du 1er janvier 2023.

 

La prudence impose de s’assurer qu’au 1er janvier 2023, le logement ne présentera pas une consommation d’énergie supérieure à 450 kilowattheures d’énergie finale par mètre carré.

Le blocage / encadrement des loyers des logements classés F et G

Un blocage des loyers a été prévu par la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 qui a modifié les articles 17, 17-1 et 17-2 de la loi du 06 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, comme suit :

 

Article 17, II : « La fixation du loyer des logements mis en location est libre. Toutefois, lorsqu’un logement de la classe F ou de la classe G, au sens de l’article L.173-1-1 du Code de la construction et de l’habitation, fait l’objet d’une nouvelle location, le loyer du nouveau contrat de location ne peut excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire. »

 

Article 17-1, III : « La révision et la majoration de loyer prévues aux I et II du présent article ne peuvent pas être appliquées dans les logements de la classe F ou de la classe G, au sens de l’article L.173-1-1 du Code de la construction et de l’habitation ».

 

Article 17-2, II : « Le loyer ne peut pas être réévalué lors du renouvellement du contrat dans les logements de la classe F ou de la classe G, au sens de l’article L.173-1-1 du Code de la construction et de l’habitation.

 

Les références faites à l’article L.173-1-1 du Code de la construction et de l’habitation prévoit donc un niveau de performance exprimé en « kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an, s’agissant de la consommation énergétique, et en kilogramme de dioxyde de carbone par mètre carré et par an, s’agissant des émissions de gaz à effet de serre induites ».

 

Ces dispositions sont applicables, conformément au IV de l’article 159 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 aux contrats de location conclus, renouvelés ou tacitement reconduits un an après la publication de la loi, soit à compter du 22 août 2022.

 

Les articles 17, 17-1 et 17-2 de la loi du 06 juillet 1989 se trouvent dans le Titre Ier de ladite loi et ne s’appliquent donc qu’aux « locations de locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur (nb : logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle) ». Le blocage des loyers des logements classés F ou G ne s’applique pas aux locations de courtes durées.

L’interdiction de mettre en location un logement « énergétiquement indécent »

L’article 6 de la loi du 06 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose :

 

« Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Un décret en Conseil d’État définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en œuvre échelonnée. »

 

L’article 6 de la loi du 06 juillet 1989 prendra la rédaction suivante à compter du 1er janvier 2023 :

 

« Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale, défini par un seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an, et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Un décret en Conseil d’État définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en œuvre échelonnée. »

 

Il en résulte qu’à compter du 1er janvier 2023, un logement ne sera décent que s’il ne dépasse pas le seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an de 450 kilowattheures (art. 3bis au décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent).

 

En revanche, à partir du 1er janvier 2025, cet article déterminera avec précision le niveau de performance énergétique d’un logement décent : « à compter du 1er janvier 2025, entre la classe A et la classe F ; à compter du 1er janvier 2028, entre la classe 1 et la classe E ; à compter du 1er janvier 2034, entre la classe A et la classe D ».

 

Il en résulte qu’à compter du 1er janvier 2025, les logements relevant de la classe G ne seront pas considérés comme des logements décents et ne pourront plus être mis en location.

 

L’article 6 de la loi du 06 juillet 1989 se trouve dans le Titre Ier de ladite loi et ne s’applique donc qu’aux « locations de locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur (nb : logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle) ». L’interdiction de mettre en location un logement « énergétiquement indécent » ne s’applique pas aux locations de courtes durées.

 

L’évolution législative et les changements de politiques publiques en pareille matière imposent la plus grande prudence pour tout projet d’acquisition d’un logement dit « énergivore », quant à l’usage qui peut être fait et pour sa valorisation foncière en vue d’une revente future.

L'auteur

Max Eraerts

Max Eraerts

Avocat au Barreau de Rouen - Avocat associé

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