Si l’installation en libéral d’un médecin se traduit par une construction juridique, elle se matérialise de façon opérationnelle par l’exploitation de locaux professionnels à usage de cabinet de consultation.
La liberté d'installation
L’article L.162-2 du Code de la sécurité sociale consacre le principe de la libre installation des médecins libéraux, ce qui signifie que l’ouverture d’un cabinet médical n’est soumise à aucune autorisation préalable des autorités administratives mais aussi que le médecin libéral a le choix de l’implantation géographique de son activité.
Toutefois, des restrictions légales, déontologiques et contractuelles peuvent freiner un tel projet.
L’article R.4127-86 du Code de la santé publique prévoit que tout médecin (ou étudiant) ayant remplacé pendant 3 mois un confrère ne peut s’installer dans un cabinet lui faisant concurrence, pendant une durée de 2 années à compter de la fin du remplacement, sauf à obtenir l’accord préalable du médecin qu’il a remplacé. À défaut d’accord, l’installation est soumise préalablement à l’autorisation du Conseil départemental de l’Ordre.
L’article R.4127-90 du Code de la santé publique prévoit qu’un médecin ne doit pas s’installer dans un immeuble où exerce un confrère de même discipline sans son accord ou, à défaut, sans l’autorisation préalable du Conseil départemental de l’Ordre, sous réserve de ne pas créer un risque de confusion pour le public.
Enfin, des contrats de remplacements ou des contrats de société peuvent limiter la concurrence ou la réinstallation d’un médecin et sont licites si elles sont limitées dans le temps et dans l’espace, et qu’elles sont proportionnées au but poursuivi.
La distribution des locaux
Ouvrir un cabinet idéal répond tout d’abord à des enjeux de praticité logistique : le parcours patient est au cœur de l’aménagement de la distribution des locaux. Le principe du parcours patient est celui de la « marche en avant », quand les locaux le permettent.
Les surfaces disponibles doivent être optimisées pour garantir confort et respect de la confidentialité pour les patients.
Outre les box de consultation isolés phoniquement pour préserver le secret médical (art. R.4127-71 du Code de la santé publique), l’accueil-secrétariat devra également être spacieux et prévoir une « zone de confidentialité », à défaut d’avoir un secrétariat en bureau fermé.
En fonction de la spécialité exercée par le médecin libéral, des salles pourront être dédiées à certains examens ou soins.
Les salles d’examens ou de soins qui sont partagées entre médecins associés en société ou en société civile de moyens pourront être dotées d’outils informatiques organisant le partage de la salle par un planning collaboratif et/ou sur réservation, notamment en cas de prise en charge d’urgences.
Quant aux salles d’attente, la crise sanitaire de la Covid-19 a intégré dans les usages la distanciation physique entre chaque siège visiteur afin de protéger les patients, autant que possible, dans un contexte sanitaire de grande ampleur.
Enfin, le médecin libéral prévoira une salle dédiée aux serveurs informatiques, à la sauvegarde et à la protection des données personnelles des patients.
Le cabinet médical devra être doté d’un stationnement privatif suffisant pour accueillir le personnel ainsi que la patientèle en simulant le nombre de patients dans les locaux, au maximum, sur une tranche d’une heure prenant en compte les arrivées à l’avance. Sans parking adapté, le cabinet devra être proche d’un parking public. À défaut de réunir ces deux éléments essentiels pour l’accueil de la patientèle venant par ses propres moyens ou par VSL, le parcours patient s’en trouvera altéré et des nuisance de stationnements anarchiques pourraient aboutir à engager la responsabilité du praticien pour trouble anormal du voisinage.
La plaque
Apposée à la porte du cabinet médical, le contenu de la plaque est particulièrement réglementé par l’article R.4127-81 du Code de la santé publique qui limite les informations aux nom, prénoms, numéro de téléphone, jours et heures de consultation, situation vis-à-vis des organismes d’Assurance Maladie, à la spécialité au titre de laquelle il est inscrit au tableau, ses titres, diplômes et fonctions reconnus par le Conseil national de l’Ordre des médecins.
L'affichage en salle d'attente
Doivent être affichés très lisiblement, et visiblement, en caractères adaptés à la patientèle (arrêté du 30 mai 2018 relatif à l’information des personnes destinataires d’activités de prévention, de diagnostic et/ou de soins) :
- des mentions légales dont les modèles figurent dans l’arrêté du 30 mai 2018 ;
- le secteur de conventionnement, la pratique du dépassement d’honoraires et/ou l’adhésion du praticien à l’option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM) ;
- les honoraires ainsi que le tarif de remboursement par l’Assurance Maladie en vigueur des consultations, visites à domicile (majoration de nuit, de dimanche ou pratiquée dans le cadre de la permanence des soins), et au moins 5 des prestations les plus couramment pratiquées ;
- les conditions dans lesquelles est assurée la permanence des soins (arrêté du 25 juillet 1996 relatif à l’information du consommateur sur l’organisation des urgences médicales), avec le numéro de téléphone d’urgence, celui de la structure vers laquelle les urgences sont orientées, ou à défaut, le 15 ;
- une note d’information relative au traitement des données des patients collectés pour leur prise en charge (règlement général sur la protection des données, règlement UE 2016/679).
L’affichage en salle d’attente des informations relatives aux frais facturables aux patients doit également être doublé « dans le lieu d’encaissement des frais » (art. 3 de l’arrêté du 30 mai 2018), mais également sur les plateformes de prise de rendez-vous médical en ligne (art. 5 de l’arrêté du 30 mai 2018).
L’affichage réglementaire en salle d’attente du cabinet médical peut également être complété par des affichages d’information sur la spécialité du praticien, de la vulgarisation médicale, par dépliants ou support vidéo à titre d’illustration.
L'hygiène du cabinet médical
Le médecin libéral a la charge de veiller à la stérilisation et à la décontamination des dispositifs médicaux qu’il utilise et à l’élimination des déchets médicaux afin de ne pas compromettre la qualité des soins et des actes médicaux ou la sécurité des personnes examinées (art. R.4127-1 du Code de la santé publique).
ERP : Accessibilité et sécurité incendie
L’article R.143-2 du Code de la construction et de l’habitation définit les « ERP » (Établissements Recevant du Public) comme « tous bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenus des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non ».
Les cabinets des médecins libéraux sont des ERP de type U (établissements sanitaires).
Ces locaux doivent permettre à « l’ensemble des personnes susceptibles d’y accéder avec la plus grande autonomie possible, de circuler, d’accéder aux locaux, d’utiliser les équipements, de se repérer, de s’orienter, de communiquer et de bénéficier des prestations […] » (art. L.111-1, 3°, du Code de la construction et de l’habitation).
Les contraintes réglementaires en matière d’accessibilité doivent être sources de vigilance pour le médecin libéral qui devra faire réaliser un audit réglementaire des locaux dans lesquels il envisage de s’installer, qu’il achète les locaux ou les loue.
Le médecin libéral aura tout intérêt à se mettre en conformité avec la réglementation en matière d’accessibilité et de faire de ces contraintes une chance de modernisation de son cabinet médical pour en faciliter le parcours patient, notamment pour une patientèle à mobilité réduite et malvoyante.
Les ERP sont également soumis à des obligations en matière de sécurité et de lutte contre les incendies et devront se faire accompagner par des professionnels qui s’assureront que les locaux permettent l’évacuation rapide et sûre de leur cabinet médical.
Le cabinet idéalisé répondrait à tous ces critères, mais le peut-il vraiment en pratique ?
Le médecin libéral responsable de son établissement doit tendre à cocher toutes les cases pour rendre son cabinet médical conforme à la loi et aux règlements, sous peine de s’exposer à des sanctions civiles, administratives et disciplinaires.
Pour ceux des futures médecins libéraux qui poursuivraient le projet de s’installer à plusieurs, hors d’une clinique privée, le choix des locaux s’orientera davantage vers le marché de l’immobilier tertiaire, en centre-ville ou en périphérie, en prenant soin de réaliser un audit préalable, sous peine de ne pouvoir exercer dans des locaux imprudemment loués ou acquis.
Les auteurs
Soumia Dubreil-Mekkaoui
Avocat au Barreau de Rouen - Avocat partenaire
Max Eraerts
Avocat au Barreau de Rouen - Avocat associé